Comment la psychologie étudie-t-elle l’apprentissage ?

Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le mystère de l’apprentissage : comment le cerveau humain capte-t-il, mémorise-t-il, puis reproduit-il des connaissances ? La psychologie, discipline qui scrute les méandres de l’esprit humain, déploie des approches variées pour déchiffrer ce processus fondamental. Au fil du temps, plusieurs courants théoriques sont venus éclairer ce phénomène complexe, chacun apportant ses clés pour mieux comprendre comment l’être humain assimile compétences et savoirs. Dans un monde où l’accès à l’information explose, et où les défis éducatifs se multiplient, il devient crucial de s’appuyer sur ces fondements psychologiques pour repenser l’enseignement, la formation et le développement personnel.
Table des matières
- 1 Les fondements théoriques de la psychologie de l’apprentissage : un panorama des courants classiques
- 2 L’attention, la motivation et l’environnement : les conditions psychologiques indispensables pour apprendre
- 3 Le rôle central de la mémoire dans la psychologie de l’apprentissage
- 4 Les apports des approches socio-cognitives : apprendre à travers les autres
- 5 Les stratégies pédagogiques issues de la psychologie de l’apprentissage
- 6 Les évaluations : comprendre leurs effets dans le processus d’apprentissage
- 7 La psychologie de l’apprentissage au prisme des innovations et des nouvelles technologies
- 8 FAQ : Questions fréquentes sur la psychologie de l’apprentissage
Les fondements théoriques de la psychologie de l’apprentissage : un panorama des courants classiques
La psychologie de l’apprentissage, distincte de la psychologie de l’éducation qui cible principalement le milieu scolaire infantile et adolescent, s’intéresse à l’ensemble des processus par lesquels enfants et adultes acquièrent, modifient ou perdent des comportements, des connaissances et des compétences. Ce champ regroupe plusieurs courants qui, bien que différents dans leurs postulats, convergent vers la compréhension des mécanismes par lesquels l’humain apprend.
Le behaviorisme, ou psychologie comportementaliste, concentre ses observations sur les comportements observables plutôt que sur les processus internes invisibles. Fondée sur les travaux de Pavlov et Skinner, elle met en lumière le rôle du conditionnement. Par exemple, le conditionnement classique de Pavlov illustre comment des associations entre un stimulus neutre (comme une sonnerie) et un stimulus inconditionnel (la viande) amènent à une réponse apprise (la salivation). Pourtant, comme le remarque Olivier Reboul, ce type d’apprentissage par dressage peut engendrer souffrance et stress, et les savoirs ainsi acquis manquent souvent de transférabilité en dehors du contexte strict où ils ont été appris. Skinner apportera une nuance importante avec son conditionnement opérant, qui souligne le rôle des renforcements positifs ou négatifs sur la fréquence d’apparition d’un comportement.
La gestalttheorie ou psychologie de la forme s’appuie sur le concept d’insight : l’apprentissage par découverte, par essais et erreurs, se manifeste ici comme un processus d’association successives, conduisant à une compréhension soudaine de la solution à un problème.
La psychologie cognitive, en plein essor depuis les années 1940, considère le cerveau comme un système de traitement de l’information. Elle analyse minutieusement les opérations intellectuelles nécessaires à l’apprentissage : perception sélective, mémorisation à court et long terme, structuration de représentations internes, résolution de problèmes. Ce courant met aussi en avant l’impact décisif du vécu et du contexte émotionnel de l’individu sur son apprentissage.
Il importe aussi de mentionner la théorie sociocognitive de Bandura qui intègre la notion d’apprentissage social : la reproduction de comportements par imitation de modèles observés. Cette approche met en avant le sentiment d’auto-efficacité, qui influence la motivation et la persévérance dans l’apprentissage. En effet, croire « je peux y arriver parce que lui ou elle le fait » structure psychologiquement l’engagement.
Ainsi, ces différents paradigmes contribuent à enrichir la compréhension de l’apprentissage en prenant en compte à la fois le visible, l’invisible, le collectif et l’individuel.

L’attention, la motivation et l’environnement : les conditions psychologiques indispensables pour apprendre
Pour que le processus d’apprentissage s’enclenche et porte ses fruits, certaines conditions psychologiques sont incontournables. Parmi elles, l’attention occupe une place primordiale. Sans mise en vigilance active et sélection consciente des stimuli, le cerveau serait noyé sous la masse d’informations disponibles, empêchant tout véritable apprentissage.
La psychologie contemporaine souligne également que la motivation à apprendre est un levier puissant. Fabien Fenouillet a montré que cette dernière est d’autant plus efficace lorsqu’elle est intrinsèque, c’est-à-dire fondée sur le plaisir d’apprendre, plutôt que sur une motivation extrinsèque liée à des contraintes ou des exigences externes. Comprendre ce fonctionnement permet aux enseignants, formateurs et accompagnants de mieux s’y prendre pour soutenir l’engagement des apprenants.
Le cadre d’apprentissage, ou environnement, agit en synergie avec ces dimensions. Un contexte calme, sécurisant et stimulant favorisera la concentration et limitera le stress, ce dernier pouvant altérer significativement la capacité à mémoriser et à mobiliser ses ressources cognitives. La question du cadre pédagogique, qui prend en compte les relations entre pairs et avec les enseignants, est également au cœur des débats actuels. La qualité des interactions interpersonnelles participe d’un climat propice au développement des compétences sociales et cognitives.
Voici quelques facteurs clés à considérer pour stimuler l’apprentissage :
- Un niveau adéquat d’attention portée à la tâche ou au contenu présenté ;
- Une motivation positive, si possible intrinsèque, reliée à l’intérêt et au plaisir d’apprendre ;
- Un contexte physique et psychosocial favorable, avec un soutien adapté et des relations humaines bienveillantes ;
- La possibilité d’explorer et d’interagir avec des ressources concrètes pour une appropriation active.
Toutes ces conditions ne sont pas indépendantes et leur combinatoire représente le terrain sur lequel vont s’activer les processus cognitifs, émotionnels et sociaux de l’apprentissage.
Focus : Pourquoi l’attention est-elle si fragile et si précieuse ?
L’attention ne se décrète pas. Elle dépend d’un équilibre délicat entre nos capacités innées, notre état de fatigue, notre environnement et notre intérêt pour le sujet. Cela explique en partie pourquoi certains élèves peuvent apparaître distraits ou démotivés, alors que d’autres témoignent d’une concentration remarquable. Des recherches en neuroscience cognitive, comme celles synthétisées par Stanislas Dehaene, ont montré l’importance de maintenir un degré d’activation suffisant pour capter et intégrer des informations de qualité.
Le rôle central de la mémoire dans la psychologie de l’apprentissage
La mémorisation est sans conteste le pilier sur lequel repose tout apprentissage durable. La psychologie cognitive distingue plusieurs types de mémoire avec leurs fonctions spécifiques : la mémoire de travail ou à court terme qui sert à manipuler temporairement des informations, et la mémoire à long terme qui stocke durablement les connaissances.
Le passage d’une information de la mémoire de travail vers la mémoire à long terme nécessite un traitement actif :
- Comprendre le sens et la structure de l’information ;
- Répéter de manière régulière mais espacée pour consolider les connexions synaptiques ;
- Utiliser des stratégies cognitives adaptées parmi lesquelles le rappel actif, la catégorisation, ou l’élaboration de liens avec des connaissances préexistantes.
Les neurosciences ont aidé à confirmer que la répétition seule ne suffit pas. Elle doit s’accompagner d’une implication intellectuelle afin que l’information soit encodée avec cohérence. Pascal Roulois explique que l’apprentissage est une construction progressive de « routes neuronales » dont la solidité dépend de la fréquence et surtout de la qualité de la stimulation.
De plus, la psychologie moderne insiste sur la nécessité d’un transfert des apprentissages. Apprendre ne signifie pas uniquement retenir mécaniquement, mais savoir appliquer ses acquis dans différents contextes et environnements.

Les apports des approches socio-cognitives : apprendre à travers les autres
Albert Bandura, pionnier de la psychologie sociale cognitive, a montré l’importance de l’observation, de l’imitation et du modèle dans le développement de compétences et de comportements. La théorie socio-cognitive fonde la conviction que l’apprentissage n’est jamais totalement isolé. Il se déploie à travers l’interaction sociale et l’émulation.
La notion clé de sentiment d’auto-efficacité illustre le rôle de la perception de ses propres capacités dans le développement des apprentissages. Cette auto-perception influence non seulement la motivation mais aussi la résilience face aux difficultés. Dans le cadre éducatif, elle suggère l’importance de modèles accessibles, réalistes et valorisants, qui inspirent confiance.
Un exemple concret : lorsque des élèves perçoivent un camarade comme compétent dans une compétence, ils seront plus enclins à l’observer, à reproduire ses gestes et à croire que cette compétence leur est accessible. Le formateur peut donc encourager les élèves à jouer un rôle de médiateurs ou d’intermédiaires, expliquant et entraînant leurs pairs, renforçant ainsi l’impact collectif de l’apprentissage.
Ce type d’apprentissage social est fortement encouragé dans des méthodes pédagogiques modernes, notamment en milieu professionnel, où le tutorat et le travail collaboratif sont valorisés.
Apprendre par les autres implique aussi une attention aux processus d’imitation et de rétroaction au sein des groupes. Cela invite à réfléchir à la dynamique de travail collectif, très différente selon qu’il s’agisse de travail collaboratif (où chaque membre contribue solidement à un tout homogène) ou coopératif (où règne la répartition nette des tâches). Ces modalités impactent profondément la psychologie de l’apprentissage, en modulant la motivation, l’entraide et le sens partagé.
Les stratégies pédagogiques issues de la psychologie de l’apprentissage
La transition entre la théorie et la pratique pédagogique fait appel à différentes méthodes adaptées aux profils, aux contextes et aux objectifs. Ces approches, éclairées par les connaissances en psychologie, favorisent un apprentissage significatif et durable.
Quatre grandes méthodes pédagogiques se détachent :
- La méthode expositive : transmission directe du savoir par un exposé suivi de modalités d’évaluation. Cette méthode s’appuie sur un modèle fixé et un contrôle des écarts, ce qui est efficace pour des contenus déclaratifs mais peu adaptée aux apprentissages complexes nécessitant la manipulation concrète.
- La méthode démonstrative : apprentissage par la monstration, notamment efficace dans l’acquisition de gestes techniques ou artistiques. Elle procède par observation attentive et répétition encadrée.
- La méthode interrogative : inspirée de la maïeutique socratique, elle met l’accent sur le questionnement progressif pour conduire l’apprenant à la découverte et à la construction active du savoir.
- Les méthodes actives : appropriation par résolution de problèmes, exploration et expérimentation. Ces méthodes sont particulièrement utiles pour engager les élèves en difficulté, les pousser à la réflexion autonome et développer leur esprit critique.
Chacune de ces méthodes soulève des questions concernant l’équilibre à trouver entre transmission et autonomie, rigueur et créativité. Philippe Carré souligne à juste titre qu’il existe de multiples motifs d’engagement dans l’apprentissage, intrinsèques ou extrinsèques, qui conditionnent l’efficacité de chaque démarche pédagogique.
Enfin, il est nécessaire d’envisager ces stratégies dans leur mise en œuvre, en tenant compte des moyens humains, matériels et organisationnels.

Les évaluations : comprendre leurs effets dans le processus d’apprentissage
L’évaluation est une étape décisive qui ne se limite pas à la mesure des acquis mais s’intègre de plus en plus comme composante constitutive de l’apprentissage lui-même. La docimologie, discipline qui étudie les méthodes d’évaluation, s’intéresse aux effets qu’ont ces pratiques sur la psychologie des apprenants.
On distingue plusieurs types d’évaluation :
- L’évaluation diagnostique : repère les points forts et faibles avant le début d’un apprentissage afin d’adapter les modalités pédagogiques.
- L’évaluation pronostique : détermine la capacité d’un individu à suivre un cursus.
- L’évaluation formative : intervient en cours d’apprentissage pour informer sur les progrès et les difficultés, orienter la suite des apprentissages, fortement valorisée pour son rôle positif en termes de motivation.
- L’évaluation sommative : sanctionne un niveau atteint à l’issue d’un enseignement, souvent associée à une notation puis à un classement.
Des méta-analyses récentes, notamment celles de John Hattie, montrent clairement que l’évaluation formative est particulièrement efficace pour faire progresser tous les apprenants, en particulier ceux qui rencontrent des difficultés. Le caractère constructif et bienveillant de ces évaluations contribue à limiter l’anxiété et à renforcer la confiance en soi, éléments-clés que l’on retrouve dans l’ensemble des processus d’apprentissage chez l’enfant comme chez l’adulte.
La psychologie de l’apprentissage au prisme des innovations et des nouvelles technologies
Avec l’essor des ressources numériques, des plateformes en ligne, des applications de mémorisation, et l’arrivée de méthodes diversifiées comme le travail collaboratif à distance, la psychologie de l’apprentissage se trouve au cœur d’une révolution éducative. Des outils comme Brainwave ou Cognitissimo séduisent par leur promesse de soutenir la concentration et la gestion cognitive.
Cette évolution soulève néanmoins des questions : comment conserver la dimension humaine, l’écoute relationnelle et la compréhension fine du sujet dans un univers numérique en expansion ? Comment éviter de tomber dans la marchandisation d’une psychologie devenue trop accessible ou superficielle ? La rigueur et l’éthique prônées par L’Institut Français de Psychologie et la Société de Psychologie de l’Éducation demeurent indispensables pour accompagner sainement ces avancées.
Dans ce contexte, les enseignants, formateurs et coachs en développement personnel doivent conjuguer ces apports techniques à une posture centrée sur l’humain, en tenant compte des particularités individuelles. Cette alliance entre science et humanité représente une voie prometteuse pour que chaque apprenant puisse trouver son propre chemin d’évolution.
FAQ : Questions fréquentes sur la psychologie de l’apprentissage
- Qu’est-ce que la psychologie de l’apprentissage ?
La psychologie de l’apprentissage étudie les mécanismes par lesquels les individus acquièrent des connaissances, modifient des comportements ou développent des compétences, grâce à des processus cognitifs, émotionnels et sociaux. - Comment la mémoire influence-t-elle l’apprentissage ?
La mémoire sert à stocker et à récupérer l’information. La consolidation durable dans la mémoire à long terme passe par une implication active, la compréhension et la répétition espacée, non par la simple répétition mécanique. - Quelle différence entre apprentissage social et apprentissage par imitation ?
L’apprentissage social englobe l’observation, l’imitation et la modélisation, incluant des aspects cognitifs et émotionnels. L’imitation est un mécanisme plus limité de reproduction directe des comportements observés. - Quels sont les principaux freins à l’attention dans l’apprentissage ?
Le stress, la fatigue, le manque d’intérêt, un environnement bruyant ou distrayant, ainsi que des troubles cognitifs peuvent nuire gravement à la capacité d’attention et donc à la qualité de l’apprentissage. - Comment la psychologie aide-t-elle à adapter les méthodes pédagogiques ?
Elle permet de comprendre les profils d’apprenants, leurs motivations, et les processus cognitifs mobilisés, orientant ainsi vers des méthodes plus personnalisées, actives, et respectueuses des rythmes de chacun.
Pour aller plus loin dans la compréhension des dynamiques humaines liées à l’apprentissage, la lecture de ressources telles que celles proposées par L’École de la Pensée ou d’ouvrages publiés chez Éditions Retz s’avère précieuse. De plus, explorer la manière dont notre corps manifeste ses états lors de l’apprentissage, via l’étude du langage corporel, complète cette démarche. La richesse des apports de la psychologie comportementale et de la psychologie appliquée offre ainsi un panorama complet.